Les derniers évènements en Guadeloupe ont pris un tour tragique . Alors que les manifestations qui ont rassemblé durant les dernières semaines des foules importantes se sont passées dans le calme, les 2 dernières nuits ont été émaillées d'incendies , de pillages et de violence. Ces débordements sont le fait de jeunes incontrôlés qui érigent leurs barrages ou reprennent ceux du LKP. Un homme (un syndicaliste) a été tué par balles hier soir à Pointe-à-Pitre alors qu'il faisait demi-tour pour éviter un barrage. Les secours ont eu du mal à arriver à cause des nombreux barrages.
L'inquiétude est palpable autour de nous. Déjà par le fait que chaque jour qui passe voit la sortie de crise toujours reculée avec des conséquences dramatiques en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Maintenant ces dérapages dans la violence accentuent cette angoisse. Domota avait évoqué très tôt le spectre des morts en relation avec des évènements passés et il a fallu que cela arrive... D'autre part, des amis "blancs" se sont entendu dire des menaces à caractère raciste, alors qu'ils marchaient dans la rue, et il serait déplorable que ce genre d'attitude se répande dans une sorte de d'amalgame primaire : blanc/colon/ béké/profiteur. Il y a des imbéciles partout et heureusement tous les Guadeloupéens ne se reconnaissent pas dans ce genre de propos. Le documentaire de Canal + qui a le mérite d'avoir fait la lumière sur un système économique et social scandaleux et qui a révélé le système de pensée raciste d'un béké, a malheureusement pu favoriser ce type de raccourci dans certains esprits.
C'est une page de l'histoire de la Guadeloupe qui est en train de se vivre et elle n'est pas terminée. Arrivés depuis peu, nous n'avons pas partagé cette histoire collective mouvementée de la Guadeloupe et nous ne pouvons avoir qu'une approche bien partielle et certainement insuffisante pour en connaître tous les tenants. Nous essayons de comprendre en interrogeant les gens qui habitent la Guadeloupe depuis plus longtemps ou qui sont nés ici, en lisant les articles et les analyses des uns et des autres afin d'essayer ne pas avoir de jugement tout fait. Il n'est besoin de personne pour s'apercevoir que la Guadeloupe a un mal plus grave que celui de son niveau de vie. Outre les disparités sociales scandaleuses que l'on retrouve en France hexagonale, c'est le problème d'identité qui est fondamental. Les Guadeloupéens sont en train de vivre une histoire collective, leur histoire. Depuis quelques temps, le créole est de plus en plus employé par les médias. Domota ne s'exprime pratiquement qu'en créole, les journalistes sur Canal 10 font souvent de même et même Lurel, le président du conseil régional se met au diapason. C'est une façon de dire "nous sommes un peuple et nous nous reconnaissons dans notre langue" (langue qui a longtemps été discréditée, j'avais fait l'étude de son statut lors de mon master FLE). Nous comprenons en gros les propos car nous connaissons le contexte mais il nous manque de pouvoir percevoir les nuances de la pensée ce qui est dommage et l'absence de traduction exclut d'emblée une partie des auditeurs ou spectateurs de Guadeloupe même si elle est minoritaire.
RFO, dont une partie du personnel est en grève, diffuse des flashs d'actualité de loin en loin au cours de la journée (cliquer pour agrandir).
Depuis deux jours nous recevons de nombreux messages depuis la métropole nous demandant comment nous vivons ces jours-ci et si nous nous sentons en sécurité...
Pour répondre à la question posée, je vous livre quelques détails de notre vie quotidienne actuelle.
Comme je vous le disais précédemment, ce qui a provoqué le blocage de l'archipel et qui nous a le plus gênés dans notre quotidien comme dans celui de tous les Guadeloupéens, a été la fermeture des pompes à essence. J'étais d'autant plus ennuyée que nous attendions de la famille. Nous avons cependant pu reprendre de l'essence en profitant de quelques stations ouvertes le week-end dernier et nous n'avons jamais été aussi contents de faire un plein ! La semaine qui a suivi a donc été plus facile grâce à cela.
A présent, depuis deux jours nous ne pouvons plus circuler. Hier , les Douarnenistes , qui ont du mal à rester confinés (même si c'est sur la plage en bas de chez nous ) ont voulu tenter une sortie. Nous avons écouté les infos et essayé la direction qui semblait la plus favorable. Nous avons pu rouler en slalomant entre les barrages faits de palettes, vieux frigos, carcasses de voitures , branchages et même téléviseur. Les feux de pneus fumaient encore. Les voitures des sympatisants du LKP arborent un petit morceau de tissu rouge accroché à leur antenne. Nous avons dû faire demi-tour à l'approche de Morne à l'Eau. Deux gendarmes fraîchement arrivés de métropole, comme le montrait leur teint pâle, nous ont interdit l'accès. Ils n'ont pu nous indiquer d'autre intinéraire en nous répondant qu'ils n'étaient pas d'ici. Nous avons dû reprendre le chemin inverse ; c'était plus raisonnable.
Les gens restent donc chez eux à cause de ces nombreux barrages qui changent de place et peuvent être installés rapidement en bloquant tous les accès. Tout le monde attend en écoutant les infos. On se téléphone pour prendre des nouvelles et s'encourager.
Au quotidien il faut gérer. Des coupures d'électricité lundi. Dans notre quartier, l'eau a été rétablie aujourd'hui après une coupure de plus de 21 heures... on se rend compte combien cette denrée est précieuse ! A l'heure où je continue à rédiger ce message (il est minuit, heure locale), elle est de nouveau coupée et nous serons peut-être obligés de faire demain la vaisselle à l'eau de mer comme ce matin. Nous remplissons le maximum de bouteilles en plastique et récipients divers pour boire, nous laver, faire la cuisine et nous gardons à portée de main lampes électriques et bougies.
Les commerces étant fermés, on trouve des petits marchands de fruits et légumes le long des routes et on vit sur ses réserves. Sauf ce jour, la boulangerie voisine a réussi à fournir du pain le matin.
Les petites supérettes ouvrent parfois, certaines dans la crainte, avec leur rideau à moitié levé pour pouvoir plus vite le fermer, mais leurs rayons sont souvent très dégarnis.
Nous ne sommes pas les plus en difficulté. Je pense aux familles qui ont des petits enfants, aux personnes âgées ou malades pour qui la situation est nettement plus compliquée.
Les écoles n'ont pas réouvert. Les parents sont de plus en plus inquiets et les enfants démobilisés par ces "vacances" qui n'en sont pas. Une amie a organisé des cours qui rassemblent plusieurs élèves du même niveau et j'interviens pour le français.
Hier soir Do rentrait de Martinique. Il a difficilement progressé depuis l'aéroport en évitant les nombreux barrages et feux de pneus qui brûlaient sur la route. Un groupe de jeunes cagoulés qui tenaient un barrage à Chauvel lui a demandé s'il était de la police ou s'il était le procureur... en l'engageant à partir rapidement. Manque de pot, son chemin tournait en rond et il s'est retrouvé à plusieurs reprises en vue de ce barrage pour finir par se perdre dans la campagne. Ceux qui connaissent les petites routes de la Guadeloupe savent qu'on peut s'y perdre surtout de nuit !
Un collègue joint par téléphone a pu lui venir en aide et il a heureusement fini par nous retrouver.
Pour conclure sur cet épisode et de façon plus générale, nous ne nous sentons pas actuellement en insécurité mais il vaut mieux éviter de circuler à certaines heures et dans certains endroits.
Epaves laissées par un barrage (dont un lave-linge). Ici, ça passe sur les côtés. Toutes les routes de Guadeloupe sont jonchées de détritus.
C'est une page de l'histoire de la Guadeloupe qui est en train de se vivre et elle n'est pas terminée. Arrivés depuis peu, nous n'avons pas partagé cette histoire collective mouvementée de la Guadeloupe et nous ne pouvons avoir qu'une approche bien partielle et certainement insuffisante pour en connaître tous les tenants. Nous essayons de comprendre en interrogeant les gens qui habitent la Guadeloupe depuis plus longtemps ou qui sont nés ici, en lisant les articles et les analyses des uns et des autres afin d'essayer ne pas avoir de jugement tout fait. Il n'est besoin de personne pour s'apercevoir que la Guadeloupe a un mal plus grave que celui de son niveau de vie. Outre les disparités sociales scandaleuses que l'on retrouve en France hexagonale, c'est le problème d'identité qui est fondamental. Les Guadeloupéens sont en train de vivre une histoire collective, leur histoire. Depuis quelques temps, le créole est de plus en plus employé par les médias. Domota ne s'exprime pratiquement qu'en créole, les journalistes sur Canal 10 font souvent de même et même Lurel, le président du conseil régional se met au diapason. C'est une façon de dire "nous sommes un peuple et nous nous reconnaissons dans notre langue" (langue qui a longtemps été discréditée, j'avais fait l'étude de son statut lors de mon master FLE). Nous comprenons en gros les propos car nous connaissons le contexte mais il nous manque de pouvoir percevoir les nuances de la pensée ce qui est dommage et l'absence de traduction exclut d'emblée une partie des auditeurs ou spectateurs de Guadeloupe même si elle est minoritaire.
RFO, dont une partie du personnel est en grève, diffuse des flashs d'actualité de loin en loin au cours de la journée (cliquer pour agrandir).
Depuis deux jours nous recevons de nombreux messages depuis la métropole nous demandant comment nous vivons ces jours-ci et si nous nous sentons en sécurité...
Pour répondre à la question posée, je vous livre quelques détails de notre vie quotidienne actuelle.
Comme je vous le disais précédemment, ce qui a provoqué le blocage de l'archipel et qui nous a le plus gênés dans notre quotidien comme dans celui de tous les Guadeloupéens, a été la fermeture des pompes à essence. J'étais d'autant plus ennuyée que nous attendions de la famille. Nous avons cependant pu reprendre de l'essence en profitant de quelques stations ouvertes le week-end dernier et nous n'avons jamais été aussi contents de faire un plein ! La semaine qui a suivi a donc été plus facile grâce à cela.
A présent, depuis deux jours nous ne pouvons plus circuler. Hier , les Douarnenistes , qui ont du mal à rester confinés (même si c'est sur la plage en bas de chez nous ) ont voulu tenter une sortie. Nous avons écouté les infos et essayé la direction qui semblait la plus favorable. Nous avons pu rouler en slalomant entre les barrages faits de palettes, vieux frigos, carcasses de voitures , branchages et même téléviseur. Les feux de pneus fumaient encore. Les voitures des sympatisants du LKP arborent un petit morceau de tissu rouge accroché à leur antenne. Nous avons dû faire demi-tour à l'approche de Morne à l'Eau. Deux gendarmes fraîchement arrivés de métropole, comme le montrait leur teint pâle, nous ont interdit l'accès. Ils n'ont pu nous indiquer d'autre intinéraire en nous répondant qu'ils n'étaient pas d'ici. Nous avons dû reprendre le chemin inverse ; c'était plus raisonnable.
Les gens restent donc chez eux à cause de ces nombreux barrages qui changent de place et peuvent être installés rapidement en bloquant tous les accès. Tout le monde attend en écoutant les infos. On se téléphone pour prendre des nouvelles et s'encourager.
Au quotidien il faut gérer. Des coupures d'électricité lundi. Dans notre quartier, l'eau a été rétablie aujourd'hui après une coupure de plus de 21 heures... on se rend compte combien cette denrée est précieuse ! A l'heure où je continue à rédiger ce message (il est minuit, heure locale), elle est de nouveau coupée et nous serons peut-être obligés de faire demain la vaisselle à l'eau de mer comme ce matin. Nous remplissons le maximum de bouteilles en plastique et récipients divers pour boire, nous laver, faire la cuisine et nous gardons à portée de main lampes électriques et bougies.
Les commerces étant fermés, on trouve des petits marchands de fruits et légumes le long des routes et on vit sur ses réserves. Sauf ce jour, la boulangerie voisine a réussi à fournir du pain le matin.
Les petites supérettes ouvrent parfois, certaines dans la crainte, avec leur rideau à moitié levé pour pouvoir plus vite le fermer, mais leurs rayons sont souvent très dégarnis.
Nous ne sommes pas les plus en difficulté. Je pense aux familles qui ont des petits enfants, aux personnes âgées ou malades pour qui la situation est nettement plus compliquée.
Les écoles n'ont pas réouvert. Les parents sont de plus en plus inquiets et les enfants démobilisés par ces "vacances" qui n'en sont pas. Une amie a organisé des cours qui rassemblent plusieurs élèves du même niveau et j'interviens pour le français.
Hier soir Do rentrait de Martinique. Il a difficilement progressé depuis l'aéroport en évitant les nombreux barrages et feux de pneus qui brûlaient sur la route. Un groupe de jeunes cagoulés qui tenaient un barrage à Chauvel lui a demandé s'il était de la police ou s'il était le procureur... en l'engageant à partir rapidement. Manque de pot, son chemin tournait en rond et il s'est retrouvé à plusieurs reprises en vue de ce barrage pour finir par se perdre dans la campagne. Ceux qui connaissent les petites routes de la Guadeloupe savent qu'on peut s'y perdre surtout de nuit !
Un collègue joint par téléphone a pu lui venir en aide et il a heureusement fini par nous retrouver.
Pour conclure sur cet épisode et de façon plus générale, nous ne nous sentons pas actuellement en insécurité mais il vaut mieux éviter de circuler à certaines heures et dans certains endroits.
Epaves laissées par un barrage (dont un lave-linge). Ici, ça passe sur les côtés. Toutes les routes de Guadeloupe sont jonchées de détritus.
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