vendredi 27 février 2009

Des effets de la pénurie



Hier je suis allée chercher du ravitaillement dans les environs de Gosier. Le pêcheur de l'anse Tabarin avait déjà vendu sa pêche mais j'ai pu acheter des légumes sur le bord de la route. Des produits frais et des prix modérés. Cette vente sans intermédiaire est à encourager. Ensuite j'ai fait le tour des épiceries et supérettes ouvertes. J'ai glané quelques produits sur les rayons au trois-quart vides et j'ai dû aller dans trois magasins différents pour réussir à trouver pas grand chose et très cher. Certains petits commerces ont fait valser les étiquettes depuis le début de la grève !


Tickets de caisse d'une même enseigne :
Prix du lait le 21-01-09 : 9,60 €, le 06-02-09 : 17,01 €


mercredi 25 février 2009

Et après ?

A l'heure où la Guadeloupe en est à sa 6ème semaine de grève et où nous ne savons pas si le blocage va être levé - les négociations sont encore en cours au moment où j'écris - on entend de plus en plus un autre discours que les médias relaient enfin : celui de ceux qui s'inquiètent depuis déjà longtemps des conséquences de ce blocage.
Cette après-midi, Domota était lui-même interrogé en direct à ce sujet et la journaliste s'est faite beaucoup plus incisive que d'habitude. Un grand nombre de salariés, dont ceux qui disaient qu' "on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs", vont se retrouver sans paye le mois prochain, si ce n'est sans emploi pour certains. De nombreux commentaires font remarquer que Domota et la plupart des membres du collectif sont fonctionnaires, se sont mis en congé ou en RTT et donc ne perdront rien.
Les fameux 200 euros sur lesquels piétinent les négociations, une fois obtenus par des artifices divers, ne seront pas le gage d'une prospérité de la Guadeloupe sans réformes profondes et durables de tout le système économique qui a montré son inadaptation et ses carences. Ces 200 euros, bien nécessaires à un niveau de vie décent pour les salaires les plus bas, seront vite dépensés et iront dans la poche des entreprises qui auront survécu à la crise. La réouverture le matin depuis quelques jours des deux grandes surfaces Carrefour sous surveillance policière a vu les Guadeloupéens arriver en foule.

Source du tableau des parts de marché de la grande distribution : bondamanjak.com
CBH : Groupe Bernard Hayot (Carrefour)


Des fermetures et des licenciements dus à la grève commencent à être annoncés. Des enseignes comme Conforama, près de Baie-Mahault ne rouvriront pas, de nombreuses entreprises ont mis leur personnel au chômage partiel et le secteur du tourisme est sinistré sans parler des magasins partis en fumée.
On reçoit des témoignages de personnes qui ont une petite entreprise et ne savent plus quoi faire car les banques leur réclament des échéances qu'elles ne peuvent plus régler et leur facturent des frais.

Témoignage de François Bénard, directeur de Nouvelles Antilles sur notreliberté.com : "Nou pèd fil en nou"


dimanche 22 février 2009

Intéressant !

Si vous avez une heure de temps à y consacrer, je vous conseille vivement de regarder dans son intégralité l'interview de Christiane Taubira, députée PRG de Guyane, sur la question de l'Outre-Mer en général et de la Guadeloupe en particulier ainsi que sur les réponses adaptées ou non du gouvernement. Cela se passait vendredi sur "Parlons Net" (france-info.com) avec plusieurs journalistes dont Julien Martin pour Rue 89 : "Pour Sarkozy, l'Outre-Mer c'est terra incognita".
Des prises de position claires et à mon avis pertinentes, au vu de la situation actuelle.

Je vous indique aussi un blog dont le dernier reportage concerne ce mois de grève en Guadeloupe : "revesinsulaires" et dont les textes et les photos sont de grande qualité.
Rêve, grève, révolution... une vision peut-être idéalisée mais pleine d'espoir.
J'ai fait récemment connaissance de leurs auteurs, Alice pour l'écriture et Jean-Michel pour les photos, lors d'un atelier d'écriture sur le "rêve" qu'ils animaient. Leur projet "Rêves", lancé en septembre 2008, les fera voyager à travers la Caraïbe jusqu'en juillet 2009. Ils venaient de séjourner à Cuba, sont actuellement en Martinique et doivent ensuite aller en Haïti . Le premier reportage concerne donc Cuba et celui sur la Martinique doit être en train de s'écrire ... à mettre dans vos signets !


samedi 21 février 2009

Et maintenant ?


Sarkozy a annoncé dans son discours de jeudi des mesures en direction de la Guadeloupe. Pour le LKP, ce ne sont que des "annonces", largement insuffisantes. Elie Domota juge que c'est un dispositif gouvernemental "flou et compliqué" qui ne correspond pas aux attentes des salariés et il demande que la mobilisation soit poursuivie. Il réaffirme sa volonté de "trouver un accord sur la base du pré-accord du 8 février" négocié avec Yves Jégo.
Vendredi les négociations qui avaient repris en présence des 2 médiateurs du gouvernement et du préfet, ont une fois de plus bloqué sur la question des 200 euros et ont été suspendues. Elles ne reprendrons que lundi. Les obsèques du syndicaliste tué dans la nuit de mardi à mercredi auront lieu dimanche après-midi.

Les deux dernières nuits ont été (heureusement) plus calmes que les précédentes. Les pompiers sont intervenus 17 fois contre 40 la veille, dans la nuit de jeudi à vendredi. Hier matin, j'ai essayé d'aller à Dampierre qui se trouve au-delà du centre de Gosier pour me rendre auprès de mes élèves. La 4 voies étaient barrée au niveau de Poucet par un barrage. " Il y a des gars dessus, vous ne passerez pas " m'a crié une habitante depuis sa voiture. J'ai appris par la suite qu'au niveau de Poucet, on faisait payer un droit de passage qui avait grimpé de 5 à 30 euros... J’ai pris un autre chemin mais j'ai dû faire demi-tour dans Gosier où la circulation était arrêtée alors que les carcasses calcinées de voitures étaient progressivement enlevées. Le temps que je revienne sur mes pas, de nouveaux barrages avaient été installés avec de grands palmiers abattus sur la route. J’ai donc dû rouler en dehors de la route puis prendre à contre sens la 4 voies dont un seul côté était praticable.

Dans la matinée d'aujourd'hui, nous avons tenté une sortie pour trouver du pain car notre boulangerie a son rideau baissé depuis 2 jours. La quatre voies en direction de Pointe-à-Pitre avait été dégagée. Les grandes surfaces sont toujours fermées. Les tentatives d'ouverture qui avaient été faites sous surveillance policière s'étaient soldées par des affrontements violents alors que les clients se faisaient huer à la sortie. A Jarry, à part la boulangerie, tout était mort. Nous avons vu sur notre route quelques supérettes ouvertes avec de longues queues devant car les clients sont invités à entrer un par un pour plus de sécurité. Les queues s'allongeaient aussi sous le soleil devant les quelques stations service ouvertes. Nous sommes allés jusqu'à Pointe-à-Pitre et nous avons acheté des légumes sur le marché de Lauricique . Sur les quais, une montagne de carcasses de voitures concassées attirait le regard. Le nombre de carcasses que nous voyons ces temps-ci est incroyable ! Nous avons terminé notre tour en achetant du poisson à la Darse.



Photo prise par Do, jeudi matin, alors qu'il reconduisait les Bretons à l'aéroport. Ceux-ci sont finalement arrivés à bon port.


mercredi 18 février 2009

Tournant dans la crise

Les derniers évènements en Guadeloupe ont pris un tour tragique . Alors que les manifestations qui ont rassemblé durant les dernières semaines des foules importantes se sont passées dans le calme, les 2 dernières nuits ont été émaillées d'incendies , de pillages et de violence. Ces débordements sont le fait de jeunes incontrôlés qui érigent leurs barrages ou reprennent ceux du LKP. Un homme (un syndicaliste) a été tué par balles hier soir à Pointe-à-Pitre alors qu'il faisait demi-tour pour éviter un barrage. Les secours ont eu du mal à arriver à cause des nombreux barrages.
L'inquiétude est palpable autour de nous. Déjà par le fait que chaque jour qui passe voit la sortie de crise toujours reculée avec des conséquences dramatiques en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Maintenant ces dérapages dans la violence accentuent cette angoisse. Domota avait évoqué très tôt le spectre des morts en relation avec des évènements passés et il a fallu que cela arrive... D'autre part, des amis "blancs" se sont entendu dire des menaces à caractère raciste, alors qu'ils marchaient dans la rue, et il serait déplorable que ce genre d'attitude se répande dans une sorte de d'amalgame primaire : blanc/colon/ béké/profiteur. Il y a des imbéciles partout et heureusement tous les Guadeloupéens ne se reconnaissent pas dans ce genre de propos. Le documentaire de Canal + qui a le mérite d'avoir fait la lumière sur un système économique et social scandaleux et qui a révélé le système de pensée raciste d'un béké, a malheureusement pu favoriser ce type de raccourci dans certains esprits.

C'est une page de l'histoire de la Guadeloupe qui est en train de se vivre et elle n'est pas terminée. Arrivés depuis peu, nous n'avons pas partagé cette histoire collective mouvementée de la Guadeloupe et nous ne pouvons avoir qu'une approche bien partielle et certainement insuffisante pour en connaître tous les tenants. Nous essayons de comprendre en interrogeant les gens qui habitent la Guadeloupe depuis plus longtemps ou qui sont nés ici, en lisant les articles et les analyses des uns et des autres afin d'essayer ne pas avoir de jugement tout fait. Il n'est besoin de personne pour s'apercevoir que la Guadeloupe a un mal plus grave que celui de son niveau de vie. Outre les disparités sociales scandaleuses que l'on retrouve en France hexagonale, c'est le problème d'identité qui est fondamental. Les Guadeloupéens sont en train de vivre une histoire collective, leur histoire. Depuis quelques temps, le créole est de plus en plus employé par les médias. Domota ne s'exprime pratiquement qu'en créole, les journalistes sur Canal 10 font souvent de même et même Lurel, le président du conseil régional se met au diapason. C'est une façon de dire "nous sommes un peuple et nous nous reconnaissons dans notre langue" (langue qui a longtemps été discréditée, j'avais fait l'étude de son statut lors de mon master FLE). Nous comprenons en gros les propos car nous connaissons le contexte mais il nous manque de pouvoir percevoir les nuances de la pensée ce qui est dommage et l'absence de traduction exclut d'emblée une partie des auditeurs ou spectateurs de Guadeloupe même si elle est minoritaire.

RFO, dont une partie du personnel est en grève, diffuse des flashs d'actualité de loin en loin au cours de la journée (cliquer pour agrandir).



Depuis deux jours nous recevons de nombreux messages depuis la métropole nous demandant comment nous vivons ces jours-ci et si nous nous sentons en sécurité...
Pour répondre à la question posée, je vous livre quelques détails de notre vie quotidienne actuelle.
Comme je vous le disais précédemment, ce qui a provoqué le blocage de l'archipel et qui nous a le plus gênés dans notre quotidien comme dans celui de tous les Guadeloupéens, a été la fermeture des pompes à essence. J'étais d'autant plus ennuyée que nous attendions de la famille. Nous avons cependant pu reprendre de l'essence en profitant de quelques stations ouvertes le week-end dernier et nous n'avons jamais été aussi contents de faire un plein ! La semaine qui a suivi a donc été plus facile grâce à cela.
A présent, depuis deux jours nous ne pouvons plus circuler. Hier , les Douarnenistes , qui ont du mal à rester confinés (même si c'est sur la plage en bas de chez nous ) ont voulu tenter une sortie. Nous avons écouté les infos et essayé la direction qui semblait la plus favorable. Nous avons pu rouler en slalomant entre les barrages faits de palettes, vieux frigos, carcasses de voitures , branchages et même téléviseur. Les feux de pneus fumaient encore. Les voitures des sympatisants du LKP arborent un petit morceau de tissu rouge accroché à leur antenne. Nous avons dû faire demi-tour à l'approche de Morne à l'Eau. Deux gendarmes fraîchement arrivés de métropole, comme le montrait leur teint pâle, nous ont interdit l'accès. Ils n'ont pu nous indiquer d'autre intinéraire en nous répondant qu'ils n'étaient pas d'ici. Nous avons dû reprendre le chemin inverse ; c'était plus raisonnable.
Les gens restent donc chez eux à cause de ces nombreux barrages qui changent de place et peuvent être installés rapidement en bloquant tous les accès. Tout le monde attend en écoutant les infos. On se téléphone pour prendre des nouvelles et s'encourager.
Au quotidien il faut gérer. Des coupures d'électricité lundi. Dans notre quartier, l'eau a été rétablie aujourd'hui après une coupure de plus de 21 heures... on se rend compte combien cette denrée est précieuse ! A l'heure où je continue à rédiger ce message (il est minuit, heure locale), elle est de nouveau coupée et nous serons peut-être obligés de faire demain la vaisselle à l'eau de mer comme ce matin. Nous remplissons le maximum de bouteilles en plastique et récipients divers pour boire, nous laver, faire la cuisine et nous gardons à portée de main lampes électriques et bougies.
Les commerces étant fermés, on trouve des petits marchands de fruits et légumes le long des routes et on vit sur ses réserves. Sauf ce jour, la boulangerie voisine a réussi à fournir du pain le matin.
Les petites supérettes ouvrent parfois, certaines dans la crainte, avec leur rideau à moitié levé pour pouvoir plus vite le fermer, mais leurs rayons sont souvent très dégarnis.
Nous ne sommes pas les plus en difficulté. Je pense aux familles qui ont des petits enfants, aux personnes âgées ou malades pour qui la situation est nettement plus compliquée.
Les écoles n'ont pas réouvert. Les parents sont de plus en plus inquiets et les enfants démobilisés par ces "vacances" qui n'en sont pas. Une amie a organisé des cours qui rassemblent plusieurs élèves du même niveau et j'interviens pour le français.

Hier soir Do rentrait de Martinique. Il a difficilement progressé depuis l'aéroport en évitant les nombreux barrages et feux de pneus qui brûlaient sur la route. Un groupe de jeunes cagoulés qui tenaient un barrage à Chauvel lui a demandé s'il était de la police ou s'il était le procureur... en l'engageant à partir rapidement. Manque de pot, son chemin tournait en rond et il s'est retrouvé à plusieurs reprises en vue de ce barrage pour finir par se perdre dans la campagne. Ceux qui connaissent les petites routes de la Guadeloupe savent qu'on peut s'y perdre surtout de nuit !
Un collègue joint par téléphone a pu lui venir en aide et il a heureusement fini par nous retrouver.
Pour conclure sur cet épisode et de façon plus générale, nous ne nous sentons pas actuellement en insécurité mais il vaut mieux éviter de circuler à certaines heures et dans certains endroits.

Epaves laissées par un barrage (dont un lave-linge). Ici, ça passe sur les côtés. Toutes les routes de Guadeloupe sont jonchées de détritus.

lundi 16 février 2009

Reprise des barrages

Depuis le jeudi 12, nous suivons les évènements au jour le jour avec des phases d'espoir et d'inquiétudes. Vendredi et samedi certaines stations d'essence ont pu ouvrir ce qui a donné l'espoir d' une amélioration de la vie quotidienne des Guadeloupéens. Cela n'a été qu'un court répit car le LKP avait annoncé un durcissement du mouvement pour aujourd'hui.
La tension est montée d'un cran. La grève dure depuis maintenant un mois. Les atermoiements du gouvernement suscitent l'exaspération des manifestants. La population a de plus en plus de mal à supporter la situation, celle qui soutient le mouvement comme celle qui estime en être l'otage. Les familles s'inquiètent car les écoles et les universités sont toujours fermées.

La négociation achoppe sur la revendication de l'augmentation de 200 euros pour les bas salaires. Depuis quelques temps, la phrase que le LKP , les élus et les représentants de l'Etat se lancent les uns aux autres est "il faut prendre ses responsabilités".
L'Etat renvoie la balle dans le camp du patronat en disant que ce n'est pas aux collectivités locales ni à l'Etat de payer les salaires. Les socio-professionnels répondent qu'ils ont fait des propositions mais qu'ils ne peuvent aller plus loin. "On nous demande de donner ce que l'on n'a pas " répète Willy Angel, président du Medef, tout en proposant une caisse de compensation pour aider les petites entreprises à pouvoir effectuer des augmentations de salaires qu'elles ne pourraient mettre en place seules. Les élus disent qu'ils ont fait tout ce qui leur était possible en proposant un plan de relance modifié (voir post du 3 février) et en proposant l'octroi pendant quelques mois de 100 euros aux salariés touchant moins de 1,4 fois le smic pour permettre une sortie de la crise en attendant que la négociation soit finalisée. Leurs propositions ont été rejetées par le collectif qui appelle l'Etat et le patronat à "tenir leurs engagements".

Le mouvement ne s'essouffle pas , il s'amplifie a prévenu Elie Domota. Celui-ci a durci le ton comme le montre la vidéo qui circule actuellement sur Internet. Il y fait allusion aux morts qu'il pourrait y avoir si on s'attaquait aux membres du LKP. Cette vidéo où le syndicaliste parle en créole est un extrait d'une interview et d'après des commentaires internautes il manque le contexte pour bien l'interpréter (voir sur le site de Jarrycafe.com).(1) Quoi qu'il en soit, elle attise les inquiétudes car si jusqu'à présent toutes les manifestations ont été bien encadrées, on peut craindre des débordements dans cette situation explosive. (voir aussi l'article de Jean Matouk dans Rue 89)

Ce lundi des barrages ont été érigés dans plusieurs points de l'île. Mes vacanciers douarnenistes sont partis à l'aube pour pouvoir aller à Trois-Rivières prendre leur bateau pour Les Saintes. Ils ont pu franchir un barrage qui avait été mis en place dès 3 h du matin après que celui-ci eut été évacué par des gendarmes.
Le Gosier a subi des incidents plus graves. L'accès à la ville a été complètement bloqué par des barrages faits d'arbres abattus, de pneus brûlés...
A la demande du préfet, les gendarmes sont intervenus pour rétablir la circulation. Le déploiement était impressionnant aux dires d'une maman d'élève qui a réussi à accompagner sa fille jusqu'à chez moi en faisant un détour par les Grands-Fonds. Après les sommations d'usage les gendarmes ont évacué les manifestants par la force et ont arrêté une trentaine d'entre eux . Aussitôt une foule s'est rassemblée aux abords du commissariat central de Pointe-à-Pitre en scandant "Libérez LKP", "Non à la répression".
Toutes les personnes arrêtées ont été relâchées et 10 d'entre elles ont une convocation à comparaître début juin. Le préfet interrogé par les médias dit qu'il ne s'agit pas d'entrave au droit de manifester et qu'il n'est pas "dans une logique répressive mais de sécurisation. La population doit pouvoir circuler, travailler, se nourrir."

Ce soir le calme n'est pas encore revenu et on entend toujours les allers et venues d'hélicoptères et le bruit mat des détonations de grenades assourdissantes au-dessus de Gosier.
En effet un scénario habituel a lieu après l'évacuation ou le départ des manifestants : des barrages sont aussitôt reformés par des jeunes gens cagoulés qui jettent des pierres. C'est ce qui s'est passé au carrefour de La Boucan près de Sainte-Rose où les violences ont été importantes.

Dernières nouvelles de la journée :
Les parlementaires et les élus des collectivités d'Outre-Mer seront reçus par Sarkozy, jeudi prochain.
Besancenot doit venir en Guadeloupe vendredi et il se rendra ensuite en Martinique qui en est à son 12ème jour de grève avec un blocage très sévère comme a pu le constater Do qui s'y trouve actuellement.

A voir aussi sur Rue 89 :

(1) Addendum, le 20-02-09 :
Ma voisine vient de me montrer l'ensemble de l'interview et de me traduire les propos de Domota.
La présentatrice lit un SMS qui circule et qui est un appel à l'union de tous les chefs d'entreprise pour organiser eux-mêmes leur défense afin de ne pas être empêchés de travailler "car le gouvernement ne fait rien". Domota réagit en disant que cela est inadmissible et parle d' une "milice privée", de "commandos armés" qui seraient payés... C'est alors qu'il hausse le ton et profère des menaces de mort. Cette interview, non tronquée, est sur
youtube. Vous y trouverez aussi l'interview du procureur sur la notion de "menace sous condition" et "provocation publique à la commission de crime" ainsi que sur la responsabilité des médias.

jeudi 12 février 2009

Il vaut mieux en rire...



Voici ce que j'ai reçu ce matin dans mon courriel.

mardi 10 février 2009

4ème semaine de blocage

Nous entamons aujourd'hui la 4ème semaine de blocage. La Martinique a emboîté le pas avant-hier.
Le secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, Yves Jégo, après être arrivé en Guadeloupe il y a une semaine pour une durée illimitée afin de poursuivre les négociations, est rentré dimanche à Paris sans que les partenaires de la négociation en soient informés. Beaucoup d'émotion et de la colère et cela d'autant plus que Sarkozy n'a pas du tout évoqué la situation en Guadeloupe dans son discours télévisé aux Français du jeudi 5 .
Les manifestations à Pointe-à-Pitre et à Basse-Terre rassemblent des foules très nombreuses.

Le documentaire de Canal + "Les derniers maîtres de Martinique" a circulé comme une traînée de poudre grâce à Internet et cela n'a pas pu contribuer à un apaisement des esprits. On reçoit tous les jours dans sa boîte mail de nombreux articles, analyses ou opinions diverses, pétitions pour la reprise de l'activité économique, de l'école...
Hier, le collectif et les élus , à la suite du départ de Jégo, avaient appelé à une journée "île morte". Cela s'est passé dans le calme avec une grande manifestation le matin à Pointe-à-Pitre.
Une réunion inter-ministérielle a lieu ce matin à Paris et la Guadeloupe est dans l'attente.


Article du Monde : Guadeloupe : un pré-rapport détonant sur la filière pétrolière.
Bondamanjak : des réactions à la suite du documentaire de Canal+
et toujours Rue 89

mardi 3 février 2009

15ème jour de blocage

Ce matin, la Guadeloupe s'est réveillée avec comme perspective un 15ème jour de blocage.
Les réservoirs sont à présent pratiquement à sec pour la plupart. La solidarité joue. Chacun économise la précieuse denrée par du covoiturage, on dépanne ses amis avec l'essence des bateaux si on a la chance d'en posséder un. Ce qui est beaucoup moins beau, c'est le nombre des réservoirs percés pour en prendre l'essence qui sera revendue au prix fort.

La négociation avec les gérants de stations d'essence

Hier les gérants de stations service ont signé un accord mettant un terme à leur grève car ils ont obtenu satisfaction de leurs revendications : le nombre de stations va être limité et on ne verra pas s'installer de stations automatisées. On peut avoir l'espoir de trouver de l'essence demain après le réapprovisionnement des pompes car tous les employés des stations ne sont pas grévistes. Cependant Elie Domota réaffirme que le collectif veut continuer et amplifier son action et veillera à ce que le blocage soit maintenu. Il continue à exiger une baisse du prix des carburants et la satisfaction des revendications de la plateforme.

Le système économique tout entier de la Guadeloupe (commerce, santé, école, tourisme...) continue à être paralysé. Cela touche aussi par ricochet des entreprises qui exportent vers les Antilles. Pour donner un exemple concret, ce matin à la radio, on parlait des tonnes de poissons frais et congelés exportés de Guyane qui sont perdues. Quant aux pêcheurs locaux qui n'ont plus d'essence, ils ne peuvent aller relever leurs filets.

Les propositions du gouvernement et des collectivités locales

Depuis son arrivée, Yves Jégo a confirmé le versement d'une prime de 200 euros pour 60000 foyers à faibles revenus. Le gouvernement va aussi appliquer le nouveau dispositif du RSA (revenu de solidarité active), mesure qui prendra effet dans quelques semaines et non en 2010.
La Région, le Département et l'Association des maires ont proposé de leur côté un effort de 56 millions d'euros consistant en des baisses de taxes et en un nouveau plan de relance qui en gelant certains projets débloquera des crédits. Un "plan modifié de façon à répondre aux exigences de la crise sociale " a été rédigé. Sur les 107 millions du plan de relance, 23 millions d'euros y seront consacrés. Bien sûr, comme il faut trouver l'argent quelques part, des chantiers seraient différés ou étalés dans le temps (construction de lycée, de complexes sportifs, travaux routiers...) et la politique de financement aux associations révisée.
On peut s'inquiéter de savoir si ce sont finalement des mesures positives car pour débloquer de l'argent dans l'urgence, on se prive d'investissements nécessaires. De plus ces chantiers sont en partie financés par la communauté européenne. La Guadeloupe ne va-t-elle pas perdre de précieuses subventions ? Pour relancer le pouvoir d'achat, amputer les aides aux associations ne paraît pas être une bonne mesure. (Quelles associations ? Pour combien de temps les aides seront-elles amputées ?)
De toute façon, ce plan a été refusé par le collectif LKP.

Que veut le collectif LKP ?

Quelles sont les motivations de ce collectif qui dicte sa loi de façon autoritaire en rejettant d'un bloc les propositions qui sont faites ? Mener une action politique et pas seulement syndicaliste, certainement. On l'a vu lors des réunions qui ont été diffusées par la télévision. Les membres du collectif qui ont pris la parole étaient entourés d'un grand nombre de personnes silencieuses connues pour leurs idées nationalistes. Domota a beau dire que cette question n'est pas d'actualité, elle apparaît de façon plus qu'implicite dans ses propos. On peut noter à ce sujet que le 5eme point du nouveau plan de la région concerne la relance des questions statutaires "dans le cadre d' un calendrier précis" mais nous l'avons dit, ce plan n'a pas eu l'agrément du collectif.
Domota est-il donc sincère ou manipulateur ?
On peut comprendre qu'il veuille maintenir la pression afin d'obtenir le maximum dans les revendications. Cependant il faut savoir terminer une grève et aboutir sur quelque chose de constructif. Aujourd'hui les inquiétudes sont grandes face à ce qui va résulter de la grève. Les mois à venir vont être extrêmement difficiles pour les "petits" , les travailleurs à leur compte dont beaucoup ne peuvent faire entendre leur voix et dont certains perdront leur emploi. Les "nantis", eux, tireront toujours leur épingle du jeu.
"Respectez le droit de la libre circulation, libre entreprise, et simplement le droit à la liberté.
Je ne veux pas faire grève. Je veux aller travailler. Vous n’avez pas le droitde m’en empêcher.
... Pourquoi me faire sortir de mon entreprise, quand j'ai décidé de ne pas soutenir un mouvement de grève qui ne me parle pas. Je n’ai jamais été consultée pour savoir si j’approuvais une seule des 123 revendications" écrit une Guadeloupéenne dans une lettre "Alliance Contre Abêtisation " qu'elle fait circuler sur Internet.

"La sauce ne va-t-elle pas coûter plus cher que le poisson ?" questionne ce proverbe que l'on entend citer ici et là. Encore faudrait-il qu'il reste du poisson.