vendredi 30 janvier 2009

Où va-t-on ?


Le blocage se poursuit

C'est maintenant le 11ème jour de grève reconductible. La situation de blocage continue et devient très difficile à gérer. Les petites et moyennes entreprises qui ne peuvent plus travailler n'ont pas de trésorerie pour verser leur salaire du mois de janvier à leurs employés.
Hier, la télévision montraient des éleveurs qui manquent d'aliments pour leurs animaux. Un producteur de volailles qui venait de donner son dernier sac de grains à ses poulets disait que s'il ne trouvait pas de quoi les alimenter d'ici 24 heures, ils se dévoreraient entre eux.
Et les humains ?

Jusqu'à maintenant, les Guadeloupéens se débrouillent. Ils utilisent ce qu'on appelle "le système D" mais il y a aussi certaines dérives de marché noir qui commencent et on a constaté des "hausses intempestives" dans certains commerces. (France-Antilles de ce jour).
Les grandes surfaces étant fermées, les lolos (petites épiceries) voient leur clientèle considérablement augmenter. Cependant ils risquent de ne plus pouvoir s'approvisionner ou se faire livrer dans les jours qui viennent faute d'essence.
Certains font jouer leurs réseaux de relations et arrivent à se procurer même une denrée aussi rare que l'essence. Une amie m'écrivait hier dans un mail : "Lorsque j'ai demandé au patron pêcheur qui nous faisait faire la traversée comment il arrivait encore à s'approvisionner en carburant il m'a répondu, avec un large sourire , "le carburant n'est pas un problème, j'ai des amis". Comme quoi, les pénuries d'essence n'affectent pas tout le monde!!! La grève peut durer très longtemps, il ne se fait aucun souci quant à son approvisionnement en carburant.
Il y a eu aussi des exactions contre des commerces. Par trois fois, le Super U de Chanzy à Pointe-à-Pitre a été obligé de fermer sous la menace d'une vingtaine de personnes disant être membres d'une organisation syndicale. Les clients ont été "invités" à partir sans payer.

Des négociations qui n'ont pas abouti


Beaucoup, dénoncent la méthode ou plutôt l'absence de méthode des négociations.
C'est le collectif LKP qui a exigé des réunions en assemblée plénière avec la présence de tous les partenaires de la négociation. Le préfet et certains élus avaient demandé de faire tout d'abord des groupes de travail pour discuter des différents points. Quand on voit le nombre de personnes présentes autour de la table (voir photo du post précédent), on comprend que cette configuration ne pouvait pas être productive. Le fait que les réunions aient été diffusées en direct par Télé Guadeloupe (RFO) et la chaîne locale Canal 10 ont eu un aspect de positif : la population a pu constater les enjeux de ce qui se passait. Le revers de la médaille est que ces réunions ont été jusqu'à présent essentiellement une tribune pour les élus qui s'adressaient à leurs électeurs potentiels et un tribunal où les accusés étaient les patrons, les élus et l'Etat ce qui n'a pas fait avancer la négociation.
Mercredi, après avoir lu le message d'Yves Jégo , secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer, et les propositions du gouvernement, le préfet a quitté la réunion pour aller travailler avec son équipe en comité restreint. Cela a été très mal perçu par un grand nombre de Guadeloupéens qui pensent que le gouvernement refuse la négociation. On a pu voir des titres comme "Le préfet se défile".
A la suite de ce départ, le collectif LKP a demandé aux élus de transmettre leurs propositions par écrit afin de les analyser. Une prochaine rencontre est prévue samedi pour reprendre la négociation. Comme hier, une manifestation importante a lieu actuellement dans les rues de Pointe-à Pitre.Tout au long d’un parcours de plusieurs kilomètres, les manifestants scandent en chantant :
"La Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo : yo péké fè sa yo vlé an péyi an-nou" (La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas : ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays)

Des jeunes s'expriment

On a vu la naissance d'un collectif de jeunes (Guadeloupe Alliance) qui ne se reconnaissent pas complètement dans ce qui se passe , craignent de devoir "payer les pots cassés" et veulent exprimer leur point de vue. Leur porte-parole, Gladys Démocrite, dit que le changement dont la Guadeloupe a besoin ne se règlera pas autour d'une table de négociations sous la pression d'un blocage. Cela nécessite la construction d'un projet pour la Guadeloupe qui demande imagination, réflexion, analyse, et "nous n'en voyons pas l'ombre". Des pistes comme "mettre en avant notre agriculture", "voir comment être auto-suffisant" ... sont données en exemple. A la question d'un éventuel changement du statut de la Guadeloupe, ces jeunes répondent qu'un tel changement doit servir à un projet. Ce n'est qu'une fois un projet établi qu'on pourra adopter le statut qui correspond à ce projet.

Voir aussi :
- une interview du leader du mouvement Elie Domota sur France-Antilles
- l'analyse d'un économiste et les commentaires des lecteurs sur Rue 89
- le site : Le petit lexique colonial où vous trouverez le texte du message d'Yves Jégo et les propositions de modification du plan de relance de la Région ( du 30-01-09)
- pour ceux qui vivent en Guadeloupe, Le Mika déchaîné , mensuel que l'on peut trouver en kiosque et qui apporte d'autres infos que celles du France-Antilles sur les disfonctionnements de la société guadeloupéenne.


1 commentaire:

Xiao Yun a dit…

Merci Catherine pour ces deux posts qui expliquent bien mieux la situation actuelle de la Guadeloupe que ce qu'on peut lire dans nos journaux nationaux.
Il semble qu'un début de normalisation est en cours. Courage !