Depuis mardi dernier, la Guadeloupe est paralysée par un mouvement de grève d'une grande ampleur : plus d'essence dans les cuves donc plus de transports, plus d'école, plus de commerces ouverts, des coupures d'électricité tournantes, des coupures d'eau. La plupart des entreprises et commerces qui n'avaient pas fermé ont été obligé de le faire par intimidation. Des dérapages ont lieu car les esprits s'échauffent et les voyous en profitent (poubelles et voitures brûlées, essence siphonnée, caillassage de voitures de pompiers...)
Les touristes qui ne sont pas repartis sont cloîtrés dans l'enceinte de leur hôtel où le ménage n'est pas fait et les bateaux de croisière ne s'arrêtent plus à Pointe-à-Pitre. Certains touristes se sont rendus dans les îles du sud comme les Saintes, qui ont du mal à gérer cet afflux de population à cause de l'absence d'approvisionnement.
Il est facile de bloquer une île : on l'a vu avec les barrages des routes lors du mouvement précédent. Actuellement la fermeture des postes d'essence obligent les gens à rester chez eux et l'activité ne tourne presque plus.
Le préfet a tenté en vain de réquisitionner 16 stations pour que la population puisse se ravitailler et exercer son droit de libre circulation. Il l'avait annoncé hier soir mais il a dû faire marche arrière face au refus des gérants qui disaient avoir reçu des menaces. Seules 13 stations sont ouvertes le matin et uniquement pour les véhicules prioritaires, sous contrôle des forces de l'ordre.
Qui est à l'origine du mouvement ?
Les touristes qui ne sont pas repartis sont cloîtrés dans l'enceinte de leur hôtel où le ménage n'est pas fait et les bateaux de croisière ne s'arrêtent plus à Pointe-à-Pitre. Certains touristes se sont rendus dans les îles du sud comme les Saintes, qui ont du mal à gérer cet afflux de population à cause de l'absence d'approvisionnement.
Il est facile de bloquer une île : on l'a vu avec les barrages des routes lors du mouvement précédent. Actuellement la fermeture des postes d'essence obligent les gens à rester chez eux et l'activité ne tourne presque plus.
Le préfet a tenté en vain de réquisitionner 16 stations pour que la population puisse se ravitailler et exercer son droit de libre circulation. Il l'avait annoncé hier soir mais il a dû faire marche arrière face au refus des gérants qui disaient avoir reçu des menaces. Seules 13 stations sont ouvertes le matin et uniquement pour les véhicules prioritaires, sous contrôle des forces de l'ordre.
Qui est à l'origine du mouvement ?
Ce mouvement a été lancé à l'appel d'un collectif de syndicalistes "Liyannaj kont pwofitasyon" (LKP) dont le sens est "Rassemblement contre l'exploitation". Ce collectif regroupe une quarantaine d'organisations syndicales et politiques , ainsi que des associations militant pour l'identité créole, mais c'est l'UGTG (Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens) qui a pris l'initiative de ce mouvement. Cette puissante organisation syndicale est bien connue pour les grèves dures qu'elle a menées en Guadeloupe et pour le fait qu'elle soutienne des idées indépendantistes. (Cependant Elie Domota, porte-parole du LKP, a tenu à préciser que le problème de statut de la Guadeloupe n'est pas à l'ordre du jour)
Le mouvement contre la cherté du coût de l'essence du 8 au 10 décembre qui avait bloqué la Guadeloupe pendant 3 jours avait été, lui, initié par un collectif d'entrepreneurs et avait pu sembler "couper l'herbe sous le pied" de l'UGTG qui avait de son côté prévu son action.
Comment ce mouvement est-il perçu ? La Guadeloupe est-elle en état de grève générale ou de paralysie générale ?
Lorsqu'on écoute les gens dans la rue, que l'on lit les nombreux commentaires sur les blogs et les sites, on ne peut que constater que la grève n'a pas le soutien de toute la population quoi que les médias en disent. Il est difficile de savoir si ce mouvement a véritablement le soutien de la majorité des Guadeloupéens.
Le mouvement précédent qui s'est terminé avec une baisse très sensible du coût l'essence a été perçue a postériori positivement par ceux qu'il n'avait pas trop gênés et qui voient les économies que cela leur permet de réaliser. Les gens autour de moi ont l'habitude des grèves dures qu'il y a eu dans le passé. Ils vont faire leurs réserves d'eau et de provisions et attendent que cela passe.
Cependant on entend et on lit des propos qui sont très sévères vis-à-vis du mouvement et qui n'émanent pas que du patronat : "population prise en otage", "macoutes de l'UGTG" (on en a vu intervenir cagoulés pour faire fermer les entreprises), "manipulation" d'une population en souffrance, "la Guadeloupe est mise à genoux".
Ce que je peux dire c'est qu'il est avéré que beaucoup d'entreprises ont été obligées de fermer, que l'intimidation existe et qu'il ne s'agit pas simplement d'un phénomène marginal. On parle aussi de pressions sur la presse écrite (France-Antilles), mais là je n'ai pas de témoignage direct.
De l'autre côté on trouve "une belle leçon de syndicalisme", "des hommes debout" ,"ils ont raison"...
Alors, qui intoxique qui ou encore qui est trompé par qui ?
Le problème de l'information
Les médias guadeloupéens, en particulier la chaîne locale Canal 10 qui couvre les événements sont acquis au mouvement. Les journalistes utilisent le "nous" en s'y associant, montrent dans leurs micro-trottoirs un petit peuple courageux qui tient bon dans l'adversité et se débrouille pour trouver des fruits et des légumes à mettre dans son panier et le directeur de la chaîne intervient lui-même pour encourager ce qui se passe. Qu'une chaîne ou une radio donne une info partisane n'est pas en soi un problème s'il existe d'autres sources d'information. Ce qui est plus que gênant c'est que l'on trouve avec difficulté une information qui ne soit pas univoque . Comme pour le mouvement de décembre, l'information a été lente à arriver et l'on manquait cruellement d'analyse journalistique véritable surtout au début alors que c'est à ce moment-là qu'elle est la plus nécessaire. Après ce temps de retard, on peut trouver à présent davantage d' informations sur France-Antilles. Les gens s'échangent des liens et Internet heureusement apporte plus d'éléments. Cependant il faut garder à l'esprit que tout le monde n'a pas Internet et que les médias qui apportent l'info à la plus grand partie de la population sont la radio et la télévision.
Les revendications de LKP sont multiples et de plusieurs ordres. Sur les 120 demandes formulées au départ (passées à 123 depuis , et maintenant 146), les revendications dont on entend beaucoup parler actuellement sont :
- Une nouvelle baisse du prix des carburants.
- L'arrêt des installations "anarchiques" de nouvelles stations d'essence et de plus automatisées - en Guadeloupe on a encore un service à la pompe - qui feront de l'ombre aux stations existantes et disparaître les emplois de pompistes (donc refus de la concurrence dans ce domaine).
- La baisse du coût de la vie qui est beaucoup plus chère en Guadeloupe qu'en métropole notamment la baisse des prix des produits de première nécessité, des impôts et des taxes.
- La revalorisation du SMIC et des bas salaires de 200 € par mois.
Et puis il y a de nombreux autres points qui abordent des problème sociétaux, économiques et politiques . Vous pouvez en trouver le détail ici, dans la plateforme de revendications.
Séance de négociations diffusée en direct et in extenso sur RFO Guadeloupe
(cliquer pour agrandir)
Vers des négociations ?(cliquer pour agrandir)
Pour le moment on peut difficilement parler de négociations. Ce sont plutôt des exigences posées par le collectif.
Une première réunion a eu lieu samedi dernier : 5 heures de tractations laborieuses et de discours des uns et des autres pour ne pas réussir à conclure un protocole pour le déroulement des négociations. Hier, lundi, la réunion a commencé avec une heure de retard car le collectif se faisait attendre. A la table des négociations, les élus, les représentants du collectif, de l'Etat, dont bien sûr le Préfet, les socioprofessionnels. C'est le président de l'Association des maires qui est le président de séance. Beaucoup de monde autour de la table. Plus de 5 heures d'échanges sans aboutir à une négociation sur un seul point. Rebelote ce soir avec un peu plus d'avancées. Les mécanismes des taxes sont passés en revue et de nombreux points abordés : indice des prix, minimas sociaux, allocations handicapés...
Aucune conclusion cependant car les réponses à la plupart des questions passent par l'Etat, et donc par la métropole, ce que certains ne manquent pas de pointer du doigt. Le collectif exige des réponses immédiates à des exigences importantes qui, si leur bien-fondé n'est pas discutable (revalorisation des bas salaires par exemple), demande de la réflexion pour être mises en place sans couler l'économie guadeloupéenne. L'argument imparable du collectif est que l'Etat a bien su trouver l'argent pour sauver les banques.
Un appel à une trêve dans la grève par le préfet a reçu un non catégorique par le porte-parole du mouvement, Elie Domota. On peut s'interroger sur la durée et l'issue du conflit. Les revendications (30 points prioritaires ont été dégagés) qui n'ont pas reçu une réponse positive appelleront à un maintien et un renforcement de la grève.
Hier soir à la fin de la séance, Elie Domota a menacé : si nous n'avons pas de réponses positives à nos revendications cela se passera dans la rue.
C'est une façon de mettre de la pression. Ce qui est à craindre est le dérapage de la situation. Domota a évoqué Mai 67 et certains manifestants portent des t-shirts sur lesquels figurent cette date. Ce mouvement s'était soldé par des morts.
Les inquiétudes sont vives :
A qui va profiter ce mouvement ?
La conscience politique et citoyenne des Guadeloupéens en sortira-t-elle grandie ?
la Guadeloupe qui avait amorcé des progrès en matière d'accueil au tourisme, une de ses richesses principales, s'en relèvera-t-elle ?
Le problème du statut de la Guadeloupe
Le statut de la Guadeloupe n'est pas à l'ordre du jour mais il sera forcément soulevé lors de l'examen du premier point du 4eme chapitre de la plateforme qui demande la priorité d'embauche pour les Guadeloupéens.
Cette exigence est contraire à l'idéal républicain d'égalité qui régit notre constitution. Elle est inacceptable puisque la Guadeloupe est un département français d'Outre-Mer depuis la loi du 19 mars 1946. Lors du référendum du 7 décembre 2003, les Guadeloupéens qui ont exprimé leur suffrage ont refusé à 72,98 % un changement pour un statut leur donnant davantage d'autonomie.
Comme dans tous les DOM, tous les textes législatifs nationaux y sont applicables. Cependant ils peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation "nécessitées par leur situation particulière" ( article 73 de la Constitution). L'article 74 dit " des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection de patrimoine foncier." Ces 2 articles ne suffisent pas au collectif.
"La société guadeloupéenne est toujours basée sur des rapports de classe et des rapports de race. Comme en 1967..." dit Domota qui porte un T shirt sur lequel est inscrit le slogan "La Gwadloup sé tan nou".
... ce sujet demanderait à être développé ce que je ne ferai pas dans ce post.
Ce qui est à déplorer c'est la reprise de slogans racistes (heureusement par une minorité) alors qu'on est en 2009 à l'heure où la planète entière a vibré à l'élection d'Obama.
Allez voir aussi les éditos de Carib Creole One.
Ce mouvement révèle de profondes difficultés de la Guadeloupe. La métropole connaît aussi les problèmes de chômage, de spéculations financières, de politiques véreux, de dessous de table, de rémunérations mirobolantes alors que beaucoup sont sous le seuil de pauvreté, de drogue, d'absence de perspective d'avenir pour les jeunes.. mais ici, ils sont encore accrus .
Quelle Guadeloupe voulons-nous ? est la question qu'adresse Ernest Pépin dans un texte sévère destiné à susciter le débat : Quelle leçon tirer de Barack Obama ?
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