jeudi 26 mars 2009

Une reprise difficile



Depuis mon dernier message, les négociations continuent dans  différents secteurs avec encore des tensions. A la sécu et à la CAF, le travail a pu reprendre en fin de semaine dernière mais les dossiers en attente s'étant accumulés durant 8 semaines, aucun usager ne peut encore être reçu et les remboursements et prestations sociales qui n'ont pas été versés mettent de nombreuses personnes en difficulté.
Des blocages persistent au port autonome de Pointe-à-Pitre , empêchant le déchargement des conteneurs. Des grèves démarrent dans d'autres branches. La radio RCI  (Radio Caraïbes International) est en grève illimitée depuis ce mardi 24 .
La Centrale thermique du Moule ne fonctionne pas et les coupures d'électricité sont fréquentes pour cause de délestage.

Yves Jégo s'est rendu à Marie-Galante avec dans son sac un ensemble de mesures pour aider les "îles du sud" tandis que l'Etat ajoute aux différents plans de relance des mesures exceptionnelles pour aider les TPE et PME.

Cependant, sur ce fond de négociations plus ou moins difficiles, les activités redémarrent progressivement dans beaucoup de branches. Les compagnies aériennes appâtent le client avec des prix promotionnels et les vols ont repris chez Corsair.

Et puis, la dorade est à 8 euros le kilo chez le pêcheur de Gosier quand elle est vendue presque le double chez Cora, qui a réouvert. Les marges "profiteuses" des grandes enseignes ont encore de beaux jours...


samedi 14 mars 2009

Quels lendemains ?

J'ai délaissé mon blog quelques temps car j'avais de la visite et puis... il ne faut être ni esclave, ni addict de son blog !

Cependant pour satisfaire ceux qui se sont inquiétés de la situation en demandant des nouvelles, et je les en remercie, je vais faire un point aujourd'hui.

Une précision tout d'abord : plusieurs d'entre vous m'avez dit avoir eu des difficultés pour écrire un commentaire à la suite des messages. Blogger est parfois capricieux et il faut alors essayer de nouveau ou à un autre moment.
Je rappelle la marche à suivre :
Après avoir écrit votre commentaire, choisissez une identité : écrivez votre prénom (ou pseudo) dans URL/Nom ou cliquez sur Google/ Blogger si vous avez une adresse chez eux. Vous pouvez avoir un aperçu et modifier votre message avant de le publier.
Si cela ne fonctionne pas écrivez-moi (vos messages sont toujours les bienvenus) et indiquez-moi à quel moment vous avez eu un problème.


Comme vous le savez, un accord de suspension de conflit (non de fin) a été signé le soir du 4 mars (précédant la Martinique de 10 jours) par le préfet Nicolas Desforges représentant l'Etat, les présidents du conseil régional et général Victorin Lurel et Jacques Gillot, le président de l'association des maires, Jean-Claude Malo représentant les collectivités et Elie Domota pour le collectif LKP.
"Les signataires appellent à la reprise de l'activité normale et s'engagent à poursuivre les négociations sur les autres thèmes à examiner et notamment à oeuvrer à la résolution des conflits en cours" est-il indiqué en dernier point de l'accord (point 170)


France-Antilles du 05-03-09


Cet accord signé, toute la population a poussé un "ouf" de soulagement car au 44 ème jour de grève chacun espérait la fin du blocage. Depuis, les écoles ont rouvert, les routes déblayées ont retrouvé une allure normale pouvant laisser croire au nouveau venu que rien ne s'était passé, les activités reprennent progressivement.

Est-ce à dire que c'est le retour à la normale ?
Pas vraiment. Si la tension est moins vive dans notre vie quotidienne, les inquiétudes demeurent face à l'avenir. Notre marchande de fruits et légumes auprès de laquelle nous avons pris l'habitude de nous approvisionner pendant la grève nous a dit dans un créole suffisamment expressif pour que nous le comprenions : "ils chantent maintenant, demain ils pleureront".
Au lendemain de la signature de l'accord sur les salaires signé le soir du 26 février entre certaines organisations patronales et le LKP, le journal France-Antilles du 28 février-1er mars titrait "Que vaut l'accord ? "
En l'état, cet accord ne s'applique qu'aux signataires et le LKP veut le faire étendre à tous.
En effet, le Medef a refusé de négocier sur l'accord "Jacques Bino" (du nom du syndicaliste tué par balle dans la nuit du 17 au 18 février).
A ce jour, les syndicalistes continuent à occuper les entreprises qui n'ont pas signé et comptent obliger par la pression à la signature.
"Soit ils appliqueront l'accord, soit ils quitteront la Guadeloupe"(...) Nous ne laisserons pas une bande de békés rétablir l'esclavage" furent les propos provocateurs tenus par Elie Domota le 5 mars, qui ont fait couler depuis beaucoup d'encre.
Le Medef considère que la prise en charge progressive dans les 3 ans de l'augmentation de salaire de 200 euros pour les salaires les plus bas (jusqu'à 1,4 smic ) sera trop lourde pour les entreprises fragilisées par la crise et il propose à la place une "prime de vie chère" exonérée de charge salariale.
Mais le problème vient aussi du préambule de l'accord qui décrit l'économie guadeloupéenne actuelle comme une "économie de plantation" et parle d'installer "un nouvel ordre économique et social". En voici les extraits incriminés :

Considérant que la situation économique et sociale actuelle existant en Guadeloupe résulte de la pérennisation du modèle de l’économie de plantation. (...)

Considérant la nécessité de faire tomber tous ces obstacles en instaurant un ordre économique nouveau prônant une revalorisation du travail de chacun (chefs d’entreprise et salariés) et promouvant de nouveaux rapports sociaux.

Cependant des entreprises cèdent peu à peu et après un bras de fer de plusieurs semaines, l'enseigne Carrefour installée aux Abymes a signé ce samedi 14 mars.
La branche "canne, sucre, rhum" n'a pas signé l'accord. Elle est de nouveau en NAO avec des revendications supplémentaires des syndicalistes, dont le paiement intégral des jours de grève. L'activité de la canne concerne environ 10000 personnes (Guadeloupe et Marie-Galante). La campagne qui n'a pas encore démarré ne pourra peut-être pas se faire et elle est déjà fortement compromise à cause du retard qu'elle a pris dans la saison.
La grève dans certains secteurs continue. Les employés n'ont pas repris le travail pour les Allocations familiales, la Sécurité sociale et le Contrôle médical.
Les grands hôtels sont toujours fermés. Quand on passe devant l'hôtel de La Vieille Tour, l'un des fleurons de l'île en matière d'hôtellerie, on aperçoit devant, installés avec tables et chaises, les piquets de grève qui tapent le carton.
Les petites structures hôtelières qui avaient bien retiré leur épingle du jeu jusqu'à la mi-février sont à présent vides. Les tours-opérateurs n'envoient plus leurs clients et Corsair a annulé tous ses vols jusqu'à la fin du mois de mars. Certaines enseignes de location de voitures subissent un blocage . Cependant le tourisme reste tout à fait possible et agréable à l'heure actuelle (ma tite soeur peut en témoigner !)
Les écoles ont repris avec un nouveau calendrier et les lycéens ont des heures en plus pour rattraper le retard. Ils ont des DST non-stop ( non, pas des maladies honteuses ne s'attaquant qu'aux étudiants mais des "devoirs sur table") pour avoir des notes au second trimestre... Certains, qui ont pu partir en France hexagonale pendant la grève, ne reviendront pas finir l'année en Guadeloupe. Les lycéens des filières professionnelles sont inquiets car ils ont de grosses difficultés pour trouver leur stage obligatoire en entreprise avant la période d'examens de fin d'année (en particulier en hôtellerie et tourisme) afin de pouvoir valider leur formation.

Interrogé par une journaliste, Elie Domota a balayé un peu vite du revers de la main l'évocation de ces problèmes en disant que ce n'était pas grave et que tout pourrait repartir facilement.

Nous sommes actuellement dans un entre-deux, entre un conflit qui n'est pas terminé et une période de reconstruction. Les journaux nous font part tous les jours d' entreprises qui déposent leur bilan ou licencient leurs salariés. Dans un contexte mondial économique plus que morose, les mois qui viennent seront particulièrement difficiles ici.

Ce mouvement a été pour beaucoup l'occasion d'une prise de conscience politique au sens large et le début d'un questionnement sur la société. Au-delà des manipulations de pensée qui ont pu se produire dans un sens comme dans un autre, chacun a pu mener une réflexion à sa mesure. Les émissions abondent à présent pour analyser le phénomène : sociologues, anthropologues, psychologues... aux interventions plus ou moins pertinentes sont sollicités par les médias.
Un changement positif et durable s'installera-t-il dans les habitudes de vie : participation citoyenne, respect de l'écologie, développement de la production locale... ?
Malgré tous les graves problèmes générés par la grève , il faut garder l'espoir que cette crise de la société guadeloupéenne n'aura pas eu lieu "pour rien" et que le changement attendu , économique et sociétal, pourra se réaliser pour le bien de tous dans les années à venir.